Je ne vais pas présenter Camille Etienne, la description qui arrive le fait très bien! Par contre, je peux vous présenter pourquoi j’ai décidé de demander à Camille de participer au projet Vox Ecolo.
Alors, pourquoi ? Que ce soit dans n’importe quel domaine (entreprenariat, militantisme…), j’ai toujours été fascinée par ces individus passionnés, drivés par 1000 projets, investissant 1000% de leur énergie pour soutenir leurs idées et défendre leurs valeurs. Camille Etienne fait partie de ces personnes, et j’aurais aimé être aussi engagée dans mon début vingtaine. Camille est derrière des tas de projets, auxquels elle ne participe pas seulement, mais plus important encore: des projets auxquels elle donne envie de participer !
Je ne vous en dit pas plus, et je vous invite à prendre quelques minutes de votre temps pour découvrir ses engagements, et peut-être (tout comme moi pour qui le chemin est encore long!) essayer chaque jour de mieux faire.
Qui se cache derrière Camille Etienne?
Camille Etienne a créé le compte Graine de Possible où elle partage ses conférences sur le modèle agricole et ses conséquences environnementales, ses tips sur les éco-gestes et des textes sur sa génération en recherche d’avenir.
Elle est à l’origine du podcast Graine de Possible, où elle part à la rencontre des nouveaux acteurs du changement. Elle est aussi à l’origine du mouvement Atterrissage qui cherche à proposer des alternatives aux voyages en avion avec humour et bienveillance.
C’est également la porte parole et la responsable Talent de On Est Prêt. Officiellement, Camille est étudiante en master International Management and Sustainability à Sciences Po Paris.
Qu’est ce qui t’a amené à adopter un mode de vie plus responsable, quel a été ton déclic ?
J’ai grandi dans un petit village perché dans les montagnes (petit petit, du genre on est que deux familles à y habiter et on ne peux pas y accéder en voiture l’hiver). Face à l’immensité et la puissance qui émanent de ces géants de glaces, une certaine humilité vous envahi, presque malgré vous. Mon père guide de haute montagne me racontait ses histoires dans les sommets, leurs puissances, notre vulnérabilité.
Alors il n’a jamais été question de prétendre participer à sauver le monde, la terre ne se portera que mieux sans nous. Mais plutôt de construire un avenir à notre génération. Un avenir dans lequel les glaciers n’appartiendront pas qu’aux souvenirs, où la « neige éternelle » portera toujours son nom et où l’homme et son égo destructeur auront retrouvé leur juste place.
Le seul « déclic » que je peux réellement identifier c’est après mon année d’études en Finlande où j’ai pu suivre des cours de sciences dures liées à l’environnement ( les méthodes d’agricultures écologique, l’agro-foresterie…) et donc acquérir les clés pour appréhender par moi-même les rapports scientifiques du GIEC par exemple.
C’est quand les pièces du puzzle se complètent que l’on découvre l’image, et ma prise de conscience globale a été de voir l’interconnexion de ces problèmes : les eaux qui montent, la brosse à dent en bambou, le rapport du GIEC, préférer le vélo, la sixième extinction de masse, faire sa propre lessive, l’Australie en feu, éteindre la lumière en partant.
J’ai saisi un Tout qui a fait sens et a su résonner (parfois violemment) dans ma conscience.
Quelles ont été les premières étapes pour toi, tes débuts écolos ?
J’ai eu la chance d’avoir des parents très conscients. Peut être trop conscients. Ils nous ont élevé un peu à la Captain fantastique des temps modernes. On a toujours eu une alimentation biologique et made in potager familial, je me rappel des dizaines de boites de fleurs séchées ramassées de l’été et les flacons d’huile essentielle en guise de pharmacie. On faisait les courses en en vrac pour être autonome 4 mois de l’année-zéro déchet avant que ce soit « stylé ».
J’ai bu du lait végétal depuis bébé et n’ai jamais eu la télé… En bref, Ma madeleine de Proust à moi elle est à la farine de sarrasin et au miel du voisin. Je dis « trop » parce que j’ai pu être un peu en décalage au moment de l’adolescence avec certains de mes « camarades ».
J’ai eu ce besoin de mettre moi même ces valeurs à l’épreuve de l’expérimentation. Mais aujourd’hui je suis incroyablement reconnaissante envers eux du temps qu’ils m’ont fait gagner, je leur doit ces bases qui sont profondément inscrites en moi comme des évidences.
Je leur en veut juste quand je dois répondre en interview à cette question des premiers pas parce qu’ils m’ont un peu fais courir le marathon avant que je ne sache marcher !
Quels sont les défis auxquels tu es
confrontée ?
D’abord, concernant mes changements personnels…
Tous les petits gestes du quotidien m’ont par la même occasion rendu en meilleure santé, plus concentrée sur l’essentiel et m’ont permis de faire des économies (manger mieux, marcher plutôt que prendre le métro, être plus minimaliste….).
Le plus « difficile » reste surement les moments que je prends pour me retirer de cette effervescence de l’action et me nourrir intellectuellement: lire les rapports du GIEC, écouter des conférences des scientifiques…
C’est un temps nécéssaire à mon activisme mais c’est toujours difficile émotionnellement de prendre conscience de l’infinité des contingences et ce qu’il nous faudra réunir pour « réussir » et de la beauté pur de cet équilibre subtil qu’on est en train de rompre.
Toutefois, l’action est un incroyable antidote à la solastalgie (éco-anxiété). Se sentir devenir acteur de cette métamorphose qu’il nous faut, collectivement, enclencher, être alignée avec ses valeurs est ce qui me rend profondément heureuse.
Au niveau collectif…
La question est un peu différente. Je suis partisane du « montrer l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul » de notre cher Gandhi.
Exemple ? ( Si, je suis sure que vous voulez un exemple) au lieu de faire un laïus version crise de larme et vandalisation du diner de famille sur l’inhumanité et l’aberration écologique qu’est le foie gras, j’ai simplement organisé un « Prank de Noël » et posé un JoieGras vegan sur la table (grand-père approved).
L’égo humain fait qu’on aura un impact plus grand quand on utilise la bienveillance, qu’on infantilise personne et que le sujet est acteur de sa prise de conscience.
Toutefois, m’exposer un peu sur la scène médiatique m’a exposé par la même occasion à quelques critiques qui m’affectaient beaucoup au début, ( des anciens de ma promotion avaient par exemple crée un compte Graine de fossile- pour vous dire la joie de la maturité des réseaux ).
Mais la chose la plus difficile à ce jour reste mon choix d’arrêter l’avion, non pas pour moi mais parce que cette décision n’a pas toujours été bien reçue par mes proches et certaines de mes relations en ont pâti. Je continue malgré tout à « montrer l’exemple » ou du moins ma vision de l’exemple, en prouvant qu’on peut être une globetrotteuse épanouie en restant au sol, que voyager c’est d’abord un état d’esprit, qu’il existe autant de paysages à couper de souffles, de rencontres humaines bouleversantes et d’anecdotes épiques à vivre près de chez nous.
C’est difficile de savoir par où commencer. C’est mon cas. Les premières actions que tu conseillerais pour devenir plus écolo?
S’écouter. Il n’y a pas une seule manière, et encore moins une seule bonne manière d’agir.
Allumez les consciences, débranchez des écrans. Osez faire ce pas de côté, empruntez les chemins de traverses, bousculez vos certitudes.
Osez vous poser la question: qu’est-ce que je veux pour le monde de demain et comment y participer dès aujourd’hui.
Imaginez un monde dans lequel chacune et chacun mettrait son énergie, son temps, ses compétences, ses talents aux services d’un monde meilleur ? Imaginez si dès aujourd’hui chacun se mettait à travailler au service d’une société plus égalitaire, de liens humains plus joyeux et sincères, d’une meilleure harmonie entre les êtres Vivants de l’écosystème ?
Pour les pragmatico-pratique: un petit indice, un quart de notre bilan carbone se joue dans l’assiette et un allez-retour Paris-Bali émet autant de CO2 qu’une année de vie en France.
Alors troquer le faux-filet par un vrai Dhal de lentille, et la mer d’Egypte pour l’eau du Verdon seraient deux excellent premiers pas.
As-tu un conseil, un petit secret que
tu aimerais partager ?
Il parait que « #JeuneConcernéParSonAvenir #Zérodéchet, #EnLuttePourLeVivant » ont ont été élu bio Tinder engendrant le plus de match avec des gens très cool.
Ce qui te reste encore à améliorer (car oui, personne n’est parfait!)
Des milliards de choses dont j’ignore encore l’existence ! Aujourd’hui j’essaie de faire au mieux et d’être cohérente.
Cohérente ne veux pas dire parfaite. D’autant plus que je suis de la team 8855890 projets en même temps donc pas du genre à avoir le temps et l’organisation nécessaire pour me lever à 5h du matin pour préparer mes petits plats Vegan de la semaine entre ma séance de médiation profonde et mon yoga vinyasa dynamique.
Comprendre: je suis bordélique (parfois), en retard (souvent), flemmarde (quand le coeur m’en dit). Tenez par exemple, à cause de mon année en Finlande j’ai développé une addiction sévère aux myrtilles surgelées tous au long de l’année ( et donc sous plastique plus absolument pas de saison en février …). Ma phobie administrative ( ma mère préfère appeler ça de la flemme-je vous laisse décider ) fait que je n’ai toujours changer de banque et donc continue de donner mon argent à une société qui investie directement dans les énergies fossiles contre lesquelles je me bat chaque jours, dissonance cognitive quand tu nous tiens !
Ce qui me reste à améliorer c’est tous ce que j’apprends au quotidien. J’ai par exemple découvert récemment que les sacs en papier des rayons vrac étaient énormément énergivore à produire, plus que le plastique si on ne les réutilise pas. D’ou l’importance d’amener ses sacs à vrac en tissu ! Aussi, je me renseigne en ce moment sur les question d’éco-féminisme et c’est un plan de mon activisme que j’ai jusqu’ici complètement laissé aux autres.
Si je dois vous dire une chose: n’attendez pas d’être parfait avant de vous lancer, un professeur de philosophie contemporaine ne peux pas en vouloir au professeur de maternelle d’apprendre d’abord aux enfants à lire avant de leurs enseigner du Kant.
Si vous pensiez attendre de vous sentir légitime pour nous rejoindre dans les bancs de l’action, changer d’idée: les ours blancs se seront fait la malle bien avant. Je ne vous dirais pas d’y aller à votre rythme, il n’y a plus beaucoup de temps. Mais comme le dit Aurélien Barreau il n’est jamais trop tard pour que ce soit pire.
Alors si le coeur vous en dit, rejoignez-nous, on attend plus que vous.
Pour finir, te considères-tu comme optimiste pour la suite des choses ?
J’aime beaucoup la notion d’espoir lucide ou d’optimisme constructif, actif.
C’est cette incertitude profonde qui nous met en mouvement. C’est bien justement parce que l’ « après » est intangible qu’on a le pouvoir de le façonner dans le présent. Demain est ce qu’on en fait.
Dans quelques années ou bien nous regarderons nos enfants et deviendrons les nouveaux héros de leurs livres, ceux qui ont « sauvé » le monde et laissé tomber les fusées pour les pavés des rues et les potager en permaculture; ou bien nous ne seront pas aller assez vite, assez fort, assez loin, mais nous auront prit part à cet élan de vie, pour la beauté du geste. Dans les deux cas je préfère être du coté des « faiseurs ».
On parle souvent de nous, les gens conscients que la finitude du monde est une réalité tangible, comme des pessimistes, des anxieux, des jeunes tristes. Mais c’est tout le contraire. C’est parce qu’on aime profondément la vie qu’on se bat pour elle.
Alors quand je vois qu’on 2019 on a réussi à brûler 1 milliards d’animaux en Australie et une bonne partie de l’Amazonie. Qu’on a continué à investir près de 8 milliards d’Euro dans les énergies fossiles par exonération fiscale. Qu’on a reculé la date de la sortie du glyphosate, acidifié la pluie et fait monter le niveau des mers. Qu’on a réussit à faire fondre le permafrost 70 ans plus tôt que prévu par les scientifiques ou encore qu’on a cassé des glaciers à coup de pelleteuses pour agrandir les stations, évidement qu’une partie de moi à peur.
Mais je vois aussi qu’on a surtout été des millions dans les rues, qu’on a acheté des brosses à dent en bambou, enfourché les vélos, éteint la lumière en partant. Qu’on a changé de job, investi les champs de nos mains, et les rapports du GIEC de notre attention. Je vois qu’on a fabriqué notre propre lessive, décroché des symboles, qu’on a raconté une nouvelle histoire, qu’on a été des milliers à faire ces pas de cotés, conscients et indignés.
Je vois qu’on a rejoint la lutte, coller des Stop Pub sur nos boites aux lettres, écrit des lettres à nos maires. On s’est emparés des tribunes, des scènes, des micros, des écrans géants.
Je vois qu’on a loupé l’école pour réclamer un avenir. Conscients et indignés. Alors j’ai envie d’y croire. Peut-être par naïveté, par inconscience, ou par ce que vous voudrez encore, mais d’y croire.
Si on n’y crois pas, qui y croira ?
Merci à Camille Etienne pour cette nouvelle Vox Ecolo. Une entrevue inspirante qui aide encore plus ma démarche et me donne envie de mieux faire. Gandhi n’a jamais autant eu raison Camille 🙂 #sivousaveztoutluvouscomprendrez
Leave a reply